La construction du Saint-Graal

Le 28 Juillet 1981

« J‘ai presque terminé le montage de l’hydraulique  des deux barres et posé la  centrale hydraulique depuis dimanche 26 juillet.

J’ai posé les deux petits capots des WC  des cabines avant ; Jeanine peint toujours les  deux cabines avant et a commencé la cabine coursive.

J’ai commandé tous les cordages par CNA ;  ils étaient meilleur marché que LANCELIN ! »

 Le 5 Août 1981 Yves se plaint encore des retards du chantier :  «  Les deux barres à roue fonctionnent pour la première fois depuis dimanche dernier. Toute l’installation hydraulique  a été faite par moi. Je n’ai pas encore pu tester la centrale hydraulique,  faute de courant,  car les coffres à batteries ont été  faits mais pas terminés par le chantier.

Dimanche prochain je monte toutes les canalisations de fuel, alimentation et retour aux réservoirs  ainsi que remplissage des réservoirs.

Jeanine continue à peindre les cabines avant ; elle passe aussi beaucoup de gelcoat dans le carré,  emplacement des congélateurs et sous les planchers de la cuisine.

Le chantier très occupé à remise en état du TAI HO qui vient de repartir dimanche pour Dakar, n’a rien fait. La MARGOT a aussi été mise à l’eau il y a 15 jours  et le chantier la termine »

Effectivement le chantier jouait sur plusieurs commandes simultanément et les finitions du Saint-Graal ne leur paraissaient pas urgentes.

Quant aux peintures que j’effectuais,  c’était effectivement très long, car, d’une part  il fallait gelcoater les parois du bateau apparaissant dans les coffres sous les couchettes  ou les sièges, mais aussi le faire dans les fonds même du bateau, sous les planchers ; C’était nécessaire pour uniformiser et  rendre lavables ces parois.

Les bois  ordinaires,  utilisés pour les couchettes et cloisons de placards, devaient être peints avec trois couches de peinture ordinaire blanche.

Les boiseries encadrant les portes de placards en plastique blanc qu’il fallait protéger des bavures par un scotch, devaient être vernies avec 5 couches  comportant ponçage et dépoussiérage entre chaque couche.

De même le plafond des cabines et du carré, constitué de contre-plaqué simulant des lames de bois, devait être poncé (bras en l’air !) et vernis aussi par 5 couches successives. Il fallait que ça sèche entre temps, d’où l’alternance du travail dans les différentes parties du bateau.

J’ai un  souvenir ému chaque fois que je vois William Leymergie à la Télé maintenant, car il m’a tenu compagnie durant de nombreuses après-midi du Samedi où, isolée dans une des cabines avant pour ne pas risquer que « mes » vernis soient pollués par les poussières venant des travaux du reste du bateau, je me régalais en écoutant une délicieuse émission radio où il  s’entretenait  avec des enfants  qui sortaient de drôles de reparties qui me tordaient de rire !

Le 7 septembre 1981 : « Nous avons passé quelques jours de vacances au chantier  à travailler à bord (interrompus par l’enterrement d’Annick Marzin à Villefranche sur Sâone).

Guylain, un menuisier du chantier, a commencé la timonerie et le plaquage de la cuisine  au dessous. Il doit travailler un mois à bord.

Les tuyauteries de gas-oil sont terminées  ainsi que toutes les tuyauteries et vannes des réservoirs à eau. Restent les tuyaux d’aération 

Je prépare les commandes des gaz et d’inverseur

Jeanine travaille d’arrache-pied aux gelcoat et peintures de la cabine arrière.

Joël Guenenem, qui est chez Trindel, doit nous résoudre beaucoup de problèmes d’électricité  Joyeuse fête à Bréhat, il y a 15 jours, pour le baptême de Cyril MARZIN. »

 Georges Marzin était un grand ami d’Yves ;   ils avaient souvent navigué ensemble, avaient  réunis, au cours de ces navigations, des membres de leurs familles respectives ;  un neveu de Georges  avait épousé une nièce d’Yves,  liant ces deux amis par liens de parenté.

Georges était lui aussi en 1981, comme Yves, en train de construire de ses mains un grand bateau avec lequel  il  a,  depuis,  fait le tour du monde. Il faisait ce projet et construisait son bateau avec Christine qui devait  ensuite  devenir sa compagne  et qui a été la cause d’une brouille  définitive entre les deux hommes, au cours d’une traversée mouvementée de l’Atlantique à bord du Saint-Graal.  Mais cela fait partie des histoires qu’il vaut mieux oublier…..

La mort de l’épouse de Georges, Annick que j’appréciais beaucoup, m’a beaucoup attristée et seulement quelques jours après, un autre Marzin, fruit du mariage évoqué plus haut, était baptisé  dans la maison de la famille Bourvéau à Bréhat.

Joël Guénenen, d’origine bréhatine, autre ami d’Yves,  était spécialiste en électricité. Il s’était  lui aussi proposé pour aider à l’installation électrique. Joël lui aussi était très chaleureux et jovial.  Il embarqua le dimanche suivant avec des centaines de mètres de câbles électriques et différents autres  matériaux, reliquats de gros chantiers de TRINDEL,  je pense.

 Le 13 Septembre  1981, c’est moi qui tiens la plume : Ce weekend, au chantier avec Anne et Dominique  Vachier (la fille et le gendre d’Yves), Joël nous a rejoints avec un matériel important  et courageusement se met à l’installation et attaque le percement des goulottes qui n’avaient pu être percées par le stagiaire du chantier et pour cause !  Joël trouve une épaisseur d’une main (en long) de bois, de plastique, de tissus et de mortier !  Dominique (lui, aussi ingénieur de haut niveau) et Yves cogitent et installent les commandes du moteur (câbles et parcours de câbles). Anne et moi, dans la cabine arrière, posons 1ère et 2ème  couches de peinture sur bois intérieurs de placards et pour Anne la première couche de vernis au plafond. Elle mesure, au prix de courbatures mais avec courage, la difficulté de ce travail physique  inhabituel.  

Au total 5 personnes à travailler : une ruche !  Joël reviendra s’il le peut dans 15 jours.

Le Wouah (son chien) s’est fait mettre une trempe par Nicobar (le chien du patron de chantier) agacé de le voir dans « son » réfectoire « .

Donc de temps en temps des amis ou membres de la famille (très peu) venaient nous donner un coup de main.

Quant au réfectoire  d’où le chien de Joël s’était  fait jeter,  c’était une baraque en bois assez spacieuse, servant aux ouvriers du chantier ; comme ils n’étaient pas là le weekend, Alain Douay nous avait autorisés à l’utiliser pour nos repas, en attendant que la cuisine du bateau soit installée. Il y avait une cuisinière à gaz, un  évier, des tables et des chaises. Le confort!  Nicobar avait l’habitude de venir glaner quelques restes et il avait défendu ses prérogatives contre le Wouah !

Par ailleurs, nous avions une autre annexe : en effet pour stocker le matériel qui arrivait et ne pouvaitmis en place  immédiatement, Yves avait construit,  en limite du terrain du chantier et, là encore,  avec l’accord d’Alain, une cabane  assez vaste  qu’il avait réalisée de ses propres mains,  (avec un peu les miennes aussi !). C’était un édifice en tôles Aciéroîd, récupérées elles- aussi sur des surplus de chantiers, qui était rivetées sur des poteaux en bois que nous avions d’abord dressés. Quelques plaques translucides assuraient l’éclairement interne.  Un établi y fut installé  et Yves put y stocker  son outillage personnel ainsi que les matériels en attente.

Le 7 avril 1981 : « J’ai tenté de mettre le moteur en route …. En vain ! Renseignements pris chez Caterpillar  ils ont fait une erreur dans le branchement du solénoïde  d’arrêt du moteur  c’est un modèle qu’on doit maintenir sous tension pour marcher, avec un bouton de contact qu’on coupe pour arrêter le moteur ; le bouton fourni produit l’inverse  (j’aurais du donc faire des essais de démarrage en appuyant sur le bouton arrêt ! » Les « gags » continuaient !

 Il ajoute : « Jeanine peint les vernis elle  est allée au chantier avec sa voiture deux jours en avance,  et je l’ai rejointe vendredi soir. »

Le congélateur est presque terminé,  il reste  les couvercles à faire. Le frigo est aussi fait, sauf les portes. Les placards et étagères du carré côté repas sont presque terminés,  la cloison entre cuisine et repas très avancée. La table à carte et ses tiroirs ainsi que l’encadrement du placard à cirés sont terminés. »

Toutes ces choses là avaient été commandées au chantier qui, à ce moment là, s’est mis à accélérer les finitions du Saint-Graal,  Alain Douay avait besoin d’encaisser des travaux  au point  qu’il nous a même demandé le service (que nous lui avons rendu) d’anticiper  le paiement de travaux  à venir.

 Yves note « Joël, Anne et Dominique sont revenus au bout de 15 jours et ont de nouveau donné un sérieux coup de main : pratiquement tous les fils électriques du bord sont  passés pour l’alimentation de tout l’éclairage  et des instruments, l’armoire  électrique sera prise en main par M. Cloarec,  un copain de Joël. Dans la salle des machines,  les batteries sont callées, le Constavolt  fonctionne,  la répartition de charges entre alternateur et batteries  est en place ; Ça avance ! »

L’ Arche de Noé!

 Le bateau, à l’eau depuis maintenant plusieurs mois, était  devenu une Arche de Noé ! Une colonie de poules d’eau avait choisi la jupe arrière comme plongeoir pour ses jeux collectifs ; des ragondins,  échappés d’un élevage, avaient envahi la Baie de Somme et quelques- uns se disputaient le pont du bateau. De nuit, le raffût de leurs combats sur le pont nous réveillaient et nous  amusaient.  Nous étions environnés d’hirondelles qui traquaient les insectes du canal, en l’air ou sur l’eau, par des attaques éclair au ras du bateau. Nous pouvions  aussi observer les va-et-vient de grands hérons cendrés nichant dans les grands arbres, leur héronnière à 500 m du chantier; et j’ai découvert, sur une berge du canal, des éclats de taille de silex préhistoriques  (authentifiés par M. Lagache du musée d’Abbeville)  jetés hors de leurs galeries par des taupes acharnées !

Mais comment décrire la surprise émerveillée et l’ahurissement de la  découverte, dans le brouillard du  petit matin, que le Saint-Graal était devenu un bateau fantôme ! Toute la mâture  et le moindre gréement enguirlandés de toiles d’araignées perlées de  myriades de gouttes de rosée ! Vision magique !

Nous ne nous étions par aperçus, occupés que nous étions par les travaux internes, que des centaines d’araignées avaient aussi  profité de la mâture pour tendre leurs pièges fructueux !

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