La construction du Saint-Graal

Le 10 juillet 1981   Yves note :

« Les 27 et 28 juin j’ai tracé  avec Albert Rajau les aménagements de la timonerie  et les cloisons face à la descente principale.  

Les 4 et 5 Juillet j’ai posé la pompe hydraulique de barre de timonerie 

Jeanine et Alain Canevet ont peint les cabines avant et la cabine de coursive

Le 2 juillet au soir nous avons inauguré le premier W.C. (de notre cabine) »

Il constate encore :

« Le CNA (chantier naval de l’Anitra) n’avance toujours pas dans les travaux de finition demandés : Finition d’habillage du roof, petit escalier de descente, câblerie de relevage de la dérive ;   étanchéité définitive sous ferrure d’étrave etc.

Je prépare la pose des tuyauteries hydrauliques  et de la centrale hydraulique. Un petit support a été stratifié par Jeanine,  à poser définitivement la prochaine fois. »

Pour comprendre  ce qui précède il faut expliquer :  La descente  à l’intérieur  du bateau à partir du cockpit comportait deux parties :

Une première échelle, savamment inclinée, de 5 marches, atteignait une sorte de palier qui constituait la timonerie

Une deuxième petite descente, un véritable petit escalier de trois marches confortables,  permettait d’atteindre le niveau commun au carré, à la cuisine et aux cabines avant

Du premier niveau (la timonerie) on avait la vue vers l’avant du bateau par les grandes vitres du roof  (celles aux 40 boulons), dont  les dimensions et  l’inclinaison avaient soigneusement été calculées  par nos architectes pour  ne pas prendre de front  des vagues énormes et  risquer se briser en cas de tempête.

A tribord (droite en regardant vers l’avant du bateau), cette timonerie comportait la table à carte.

Cette table sert à étaler la carte représentant la partie de la mer ou de l’Océan sur lequel on navigue.  Ce qui permet d’y tracer la progression du bateau à partir  points  successifs  résultants de calculs que l’on a faits  ou des indictions  précises données par les aides à la navigation.  En effet il est essentiel pour les navigateurs de connaître en permanence la situation du bateau afin de pouvoir anticiper la route à faire,  les hauts fonds à éviter,  les mouillages où se refugier en cas de mauvais temps etc.  de jour comme de nuit !

La table elle-même se soulevait comme un pupitre  pour pouvoir ranger les autres cartes nécessaires à la navigation du jour.  Sous  le plancher du siège de la table à cartes  nous avions imaginés deux très grands tiroirs qui permettaient  le stockage des ces grandes cartes marines intercontinentales.

Au dessusde la table, suspendus plafond du roof, le SatNav  (le premier instrument de positionnement du bateau par satellites) et la V.H.F. (radio à courte distance).

En avant de la table à carte, le long de la paroi tribord du bateau  et par conséquent sous le passavant (passage qui permet de passer du pont avant au pont arrière, sur le côté du roof qui est plus haut,   était  le placard à cirés. Dans le support de la table à carte,  se trouvaient des tiroirs permettaient de ranger  les livres de bord, les livres des feux et de navigation ainsi que divers instruments pour tracer  de la route du bateau etc. le siège de la table à carte était lui aussi un coffre de rangement.  Dans la partie avant du pied de la table  et dessous celle-ci, était placée la B.L.U.  (radio à longue portée).

Ainsi le moindre espace  avait été  utilisé astucieusement.   C’était le résultat du  travail effectué ce jour là par Albert et Yves .

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timonerie à tribord en chantier
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timonerie tribord, une fois finie terminée

Dans la partie gauche de la timonerie  (à bâbord) se trouvait  le poste de pilotage interne, avec barre à roue débrayable (c’est de celle-ci dont Yves parle, et bien sûr il y avait aussi une barre à roue extérieure dans la partie arrière du cockpit)  et sur la tablette,  les témoins de la marche du moteur température, vitesse, etc.   La tablette portait aussi l’écran du radar.

Suspendus au plafond du roof, se trouvaient  le  sondeur indiquant la profondeur sous le bateau et le loch qui indiquait sa vitesse. De la même façon qu’à tribord, sous le passavant bâbord, des placards utilisaient l’espace ; ils contenaient entre autres, le tableau électrique avec tous les contacteurs et les témoins lumineux  pour l’ensemble du bateau.  

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Timonerie à bâbord en construction
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avec barre et radar, une fois terminée

Le plancher de la timonerie  recouvrait, à droite  deux énormes cuves de congélation et à gauche un des  réservoirs de fuel. Au milieu il couvrait  le puits de la dérive et quand le couvercle du puits était enlevé on pouvait voir l’eau de mer dans cette fente au milieu du bateau et même les petits poissons qui s’y réfugiaient au mouillage.  ce puits mesurait une vingtaine de centimètres de largeur  et un bon mètre de longueur. La dérive y était suspendue par un axe de rotation  et par un câble d’acier qui, par un treuil positionné sur la cloison arrière de la timonerie, permettait de la descendre quand nous naviguions au près, (c’est de cette câblerie dont Yves parle).

Il y avait donc ensuite trois marches pour descendre de la timonerie  dans le carré.  Un carré, c’est en quelque sorte la salle de séjour du bateau. Il est en général près de la cuisine, comporte table et banquettes pour prendre les repas et, pour les plus grands bateaux,  il comporte une partie salon. C’était le cas du Saint-Graal.

C’est moi qui ai eu la lumineuse idée d’utiliser le volume de ces escaliers comme tiroirs pour stocker les légumes. En effet les contremarches, traitées en caillebotis,  étaient en fait la partie avant de tiroirs ainsi aérés, coulissant sous les marches,  de taille croissante au fur et à mesure que l’on descendait et qui occupaient ainsi ce volume. Seule  précaution : en navigation  bloquer les tiroirs par un loquet  pour qu’ils ne s’éjectent pas en cas le tangage violent.  C’est cet ensemble d’escalier/tiroirs que le chantier tardait à réaliser et dont parle Yves. On les voit enfin réalisés, à droite de cette photo de la fin du chantier en 1983, ainsi que la table du carré avec main courante.

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Quant à Alain Canevet, c’était aussi un breton, très ancien ami d’Yves. J’avais fait sa connaissance d’une drôle de façon : aux îles Scilly où j’étais pour une des premières fois à bord de Kernevel et en Manche avec Yves. Nous étions mouillés près d’un voilier. C’était celui d’Alain qui, dans le petit matin très ensoleillé, salue Yves. Et je vois ce monsieur à cheveux blanc piquer un plongeon.

Je me dis : Chic ! Elle est bonne ! et n’y tenant  plus, en nageuse  méditerranéenne  que j’étais,  je plonge à mon tour et là !  je me trouve dans  de la glace et suffoque, je  me précipite à l’échelle pour remonter illico et ressort près de la syncope !

Ce que j’ignorais c’est qu’Alain, ancien nageur de combat, ancien équipier de Cousteau, était toujours très entrainé malgré ses cheveux blancs !   Grand navigateur et aventurier, ayant participé à l’aventure de la « Constance »   avec  Paul Guimard ;  ancien directeur de production des débuts de la Télévision française, ayant, entre autres, pénétré  clandestinement à la Mecque, costumé  en islamique :   un dur,  gouailleur, avec une voix  aussi  rocailleuse que le personnage, mais un pur, fidèle ami, toujours de bon conseil,  pas toujours aimé par les gens  car trop franc et trop direct ! Il  est resté un fidèle du Saint-Graal pour lequel il a été équipier à  plusieurs reprises.

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