Les pieds dans l’eau
Les « Grenadines », quel joli nom ! Ce sont une myriade de petites îles situées dans la portion sud de l’arc formé par les grandes Antilles qui marque la séparation entre l’Atlantique et la Mer des Caraïbes. Elles sont au nord de l’île de la Grenade, d’où leur nom sans doute.
Parmi elles les « Tobago Cayes » un ensemble de trois îlets, abrités du grand Atlantique par une barrière de corail. Entre cette barrière de corail à l’Est et deux des îlets, assez proches, un lagon idyllique ! Une faible profondeur d’eau au dessus d’un sable blanc d’origine corallienne donne à l’ensemble une couleur vert turquoise pâle qui ravit immédiatement les passagers des bateaux qui trouvent là un mouillage idéal.
Mais les Cayes se méritent car elles sont dangereuses à atteindre ; en effet le chemin pour y parvenir est parsemé de hauts fonds redoutables ! Un homme posté en haut de la mâture est nécessaire pour indiquer la voie libre au barreur et il n’est pas question de tenter s’approcher quand le soleil est de face car on ne distingue plus la couleur de l’eau permettant de différencier les hauts-fonds des voies libres.
Mais une fois arrivés, c’est le paradis : le grondement et l’écume des vagues de l’Atlantique qui se brisent sur les récifs et, en arrière, là où les bateaux sont à l’ancre, ce merveilleux calme bleuté. On peut nager dans une eau limpide pour observer poissons multicolores et coquillages là où, debout, on aurait juste l’eau à mi-jambe
Des pêcheurs, installés en campement provisoire sur un des îlets, offrent aux navigateurs la possibilité de manger des langoustes tout juste sorties de l’eau. Cependant les prix, vu la demande, sont sans doute pas loin de ceux de Paris, mais là, au moins la langouste est incomparablement fraîche et le cadre somptueux.
Il faut savoir que, contrairement aux images reçues, la végétation naturelle des îlets des petites Antilles n’est pas du tout accueillante. Elle est confuse et touffue avec d’innombrables épineux, bref impénétrable ! Ce sont les défrichements de cet environnement naturel et les plantations de végétaux souvent venus d’ailleurs, en particulier les cocotiers, qui donnent à ces petites îles leur bel aspect ; celles qui sont inhabitées et non défrichées sont impénétrables C’est le cas, autant qu’il m’en souvienne des îlets des Cayes, hormis leurs franges de beau sable blanc qui les bordent du côté du lagon, l’intérieur n’est pas accessible.
Plus au sud, l’île où nous étions le plus souvent était Union-Island, une des plus grandes et des plus habitées. Un Français s’y était installé dans les années 60. Il avait tracé une piste d’atterrissage et construit un petit aérodrome qui permettait aux petits avions desservant le sud des Antilles de s’y poser. Dans la foulée, il y avait aussi établi un hôtel, entre la piste et la plage, aussitôt complété par un bar-restaurant, une boutique de souvenirs, un ponton d’accostage pour les petits bateaux et un bassin où quelques requins- dormeurs faisaient le spectacle (surtout quand mon Yves et Jacques Dodain, bras dessus, bras dessous, le traversaient à pied, sous l’œil ébahi des clients du restaurant de l’Anchorage)
Tout cet ensemble en bordure du mouillage remarquable de Clifton, abrité du vent dominant d’Est et de l’Atlantique par une première succession d’ilets. Ces installations ont fait la fortune de Union-Island qui désormais fut le point de départ de bateaux de charter pour des petites croisières dans ces îlets de rêve, sans avoir à imposer aux passagers la longue navigation nord-sud, pourtant magnifique, entre la Martinique et les Grenadines.
C’est là que, nous aussi, nous avions coutume d’embarquer nos passagers.
En général nous passions une ou deux fois par saison à Fort de France pour un gros avitaillement (dans le langage des marins) car à Union il avait bien une épicerie, tenue par des locaux (Mr et Mse Adams) qui s’était considérablement développée depuis 1974 où j’étais allée pour la première fois dans cette île, mais les aliments proposés étaient très anglais avec peu de fruits et légumes frais et bien sûr pas de charcuterie, viandes ou crèmerie française. Ces possibilités gastronomiques locales n’auraient pas convenu à nos hôtes d’où la nécessité de l’avitaillement à Fort de France.
Pour l’eau il n’y en avait pas à Union, ravitaillée en eau potable par cargo ; aussi remontions faire le plein de nos réservoirs en un point de la côte de l’île Saint-Vincent nommé Walilabu, quelques milles au nord de Union. Là, une source abondante et gratuite avait été captée par un couple d’Anglais qui vivait là depuis plusieurs années en fabriquant des tissus et vêtements en Batik assez recherchés. Ils donnaient volontiers accès à leur eau contre une ou deux bouteilles de vin français.

En 1971, j’étais allée rejoindre Lesley et son compagnon Philippe Margolis sur la « Constance » voilier célèbre des années 1960 sur lequel une expédition avait traversé l’Atlantique pour une émission de radio/télé avec à bord l’écrivain Paul Guimard et quelques-uns de ses amis dont le breton Alain Canevet (ami d’Yves une décennie plus tard) et aussi Frère de la côte, qui nous a confié qu’au lieu de mettre de l’eau dans un réservoir, ils l’ avaient rempli de vin ! C’est vous dire l’ambiance qu’il y avait au cours de la traversée !
Philippe, excellent marin, ancien équipier de Tabarly, avait racheté la Constance et l’exploitait pour le compte du Club Méditerranée en Martinique en proposant des petites croisières dans les Grenadines. C’est lui qui nous avait instruits des pièges de la navigation dans ces parages.
L’arrivée à Union, par le sud, était assez trompeuse car la barrière de corail avançait considérablement en mer entre la baie de Frégate et celle de Clifton. Des bateaux s’y collaient dessus en traçant leur route, tout droit, quand ils apercevaient les lumières du village.
Un soir les radios de nos bateaux au mouillage crachent un appel au secours : Un petit voilier s’était planté sur les coraux et appelait à l’aide. La grande fratrie des marins (les vrais) se met alors en action ! Immédiatement les skippers des bateaux au mouillages, dont mon Yves, bien sûr, se réunissent et rapidement décident de partir avec un bateau à fond en plastique sous la direction de l’un d’entre eux qui connaît le mieux le coin, le propriétaire de Scaramouche. Ils se munissent de cordages le lampes électriques, de bouées de sauvetage, de radios portatives et disparaissent dans la nuit pour aller secourir le bateau en détresse. Ils sont arrivés à tirer le bateau échoué sur les coraux, heureusement sans avarie de coque, et à le guider, en pleine nuit, sain et sauf vers le mouillage.
Il faut aussi dire que ces îles ne sont pas comme nos côtes européennes, balisées de bouées ou de feux qui signalent les passages dangereux. Il est totalement déconseillé, de tenter d’atteindre de nuit un mouillage dans ces petites îles où les bancs de corail et les hauts-fonds ne se perçoivent pas.
Il faut savoir aussi qu’il y a des marées, peu importantes certes mais tout de même !
Une nuit, Yves Jonville, un très célèbre navigateur à l’époque, l’a payé cher ! Il faisait, lui aussi, du charter dans les petites Antilles et, en attendant des clients, il s’était mouillé près de Mayero, mais il ne savait pas qu’à l’emplacement où il était il y avait eu un ponton, disparu, mais dont un pilotis était encore érigé sous l’eau. Au petit matin en se levant, il se trouve les deux pieds dans l’eau … à l’intérieur de son bateau !
Dans la nuit la marée avait abaissé le niveau de la mer et le bateau à coque d’aluminium, descendant et reposant de tout son poids, s’était doucement embroché sur le pilotis !
En dehors bien sûr d’avoir compatis et secouru le malheureux navigateur, on en a tout de même pas mal rigolé! Avoir fait le tour du monde sans encombre et couler en s’embrochant sur un pilotis au mouillage dans une petite île sans danger, l’aventure n’étais pas banale !
Bonjour,
Je voudrais savoir su ce Philippe Margolis est celui qui a convoyé en 1967 deux catamarans de Cannes au Club Med de Santa Giulia en Corse.
Pour ce convoyage ,nous étions nous étions quatre, et j’étais l’un d’entre eux, Gérard Contard.
Je serais heureux de pouvoir retrouver ce compagnon d’aventure.
s’agit il de philippe Margolis qui étant propriétaire du RUBIS « C » vers 1975 goellette « pays » superbement décorée ammarée à Union l’a vendu,plus tard à mon ami Pierre Honard ?