Un mauvais sort

Un mauvais sort

stgraal 73
Belle partie de voile dans le golfe de Fethyé

Nous naviguons toutes voiles dehors et bien réglées ;  c’est  l’après midi où il y a toujours  un bon vent  qui, ce jour là, est portant.  Nous sommes sous pilote automatique et  seulement trois à bord : Yves assis à la table à cartes  surveille la route, met à jour ses notes ou bricole.   Winnie, notre marin antillais, natif de Bequia, la seule  des petites Antilles  réputée pour ses marins et chasseurs de baleines et moi.

Winnie  est avec nous depuis plusieurs mois et nous fait bénéficier de sa grande expérience de marin de charter,  en matière d’entretien du bateau  (qu’il lave tous les matins) et de service  à bord. C’est un homme noir, grand et bien bâti, un peu félin, toujours  vêtu de bermudas impeccables et qui affiche un léger snobisme.

Il a déjà fait une traversé de l’Atlantique avec Yves  qu’il a époustouflé  en lui nommant  tous les grands voiliers  dont il ne voyait que les mâtes  dépasser du quai du  port de Açores où le Saint Graal allait faire escale. Il a un sens marin surprenant  et un sens de l’observation remarquable.

Nous menons  bon train en longeant la côte turque à environ un mille.

Un voilier  moderne de série,  plus petit  que nous mais qui affiche  tout de même  quatorze ou quinze  mètres,   fait la même route que nous  et, émoustillé par notre allure,  essaye de nous remonter.

Il est bien plus léger que nous et glisse bien sur l’eau.  Pour  gagner, il a tout mis dessus  y compris son spi, et grignote petit à petit la distance qui nous sépare.

Saint-Graal  à fond, sous voile en Turquie
Saint-Graal à fond, sous voile en Turquie

Winnie,   assis à l’arrière du Saint Graal, ne  le quitte pas des yeux  et, comme je sais qu’il a horreur que son bateau  (entendez le bateau dont il est le marin, le Saint-Graal pour l’heure) soit battu  dans une course à la voile, je le taquine  un peu en lui disant :

« Il nous gratte ! »

«Attends ! » répond-il,   impavide et sans chercher à améliorer le réglage de nos voiles.

Deux minutes après, dans un grand CRAC !  Le bateau qui est maintenant à une cinquantaine de mètres,  explose son spi et vire en catastrophe !   Winnie exulte !

« C’est pas  possible, tu lui as jeté un sort ? »

Non, simplement,  Winnie, avec son grand sens marin, sentait que ce bateau était à la limite de ses possibilités et il attendait  tranquillement !

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